Parfois,
résonnant à travers les barreaux des cellules de prison, on peut
entendre crier « Allez les deux ! » ou un équivalent
tout aussi sarcastique : « Allez les bleus ! ».
Les supporteurs sont alors les prisonniers observant de loin le duel
opposant les gendarmes ou les flics aux matons qui bloquent l’accès
de la prison. Il s’agit alors de signifier qu’entre les chiens du
ministère de la Justice et ceux du ministère de l’Intérieur, il
n’y a évidemment personne à soutenir, mais que s’ils pouvaient
s’entre-tuer dans la (fausse) bataille, ce serait toujours ça de
pris. Ce genre de blocage existe depuis longtemps et revient
fréquemment, surtout depuis début avril, où les matons commencent
à multiplier des actions un peu partout en France. Blocage des
prisons, manifestations, pétitions, grèves, rassemblement à Paris,
devant la Santé ou le ministère de la Justice. Principalement
appelés par FO et la CGT, les blocages de prison se veulent
« symboliques et non-violents », mais ils ont de
nombreuses conséquences, d’autant plus lorsqu’ils s’étalent
sur plus de six semaines, à raison parfois de deux actions par
semaine. Pas tant pour l’employeur de la matonnerie, le ministère
de la Justice au travers de l’Administration Pénitentiaire, que
pour les prisonniers eux-mêmes. Curieuse ironie de l’histoire :
la grève, ou du moins la lutte passant par la cessation de travail,
autrefois le symbole d’un refus des travailleurs de continuer à
faire tourner la machine productive dans des conditions jugées
inacceptables, et ainsi, de faire chier le patron en entraînant des
pertes de chiffre d’affaire, est dans ce genre de cas tout le
contraire. L’administration pénitentiaire et le ministère de la
Justice se foutent bien de quelques blocages très limités dans le
temps, car les matons n’ont pas le droit de faire grève (ils
touchent pour cela une prime spéciale), et seuls ceux qui sont en
repos ou en congé participent aux actions. Les détenus restent
entre quatre murs, c’est tout ce qui compte. En revanche, lorsque
la taule est bloquée, ça se traduit par une somme d’emmerdements
pour les détenus : pas de parloirs, pas de douches, retard du
courrier, pas d’extractions ni de visites médicales, suspension
des « promenades » et des activités (sport, bibli…).
Ce qui veut dire moisir dans la cellule toute la journée.
Lorsque
les matons parlent de « surpopulation carcérale »
(aujourd’hui la barre des 67 000 prisonniers est franchie), ce
n’est jamais dans l’optique de vider les prisons, mais pour
demander plus d’embauches, plus de moyens (en termes de salaires
mais aussi en terme d’équipements sécuritaires pour la prison et
pour eux-mêmes) et parfois, la construction de nouvelles prisons.
Ces revendications, émanant de larbins vis-à-vis desquels il y a
déjà des claques qui se perdent, aboutiraient donc à semer encore
plus ce monde de murs, de barbelés et de barreaux, mais aussi à
piocher abondamment dans la fameuse et nombreuse « armée de
réserve du capital » (les chômeurs) pour en faire des
gardes-chiourme au service de l’Etat.
Quand
on sait en plus la facilité qu’ont ces salauds à provoquer
directement la colère des détenus et à leur pourrir la vie, par
une multitude de petites humiliations autant que par le tabassage pur
et simple, on sera d’autant plus enragé par leur faux chantage à
l’explosion toujours imminente des prisons afin de pousser l’AP à
accroître le nombre d’uniformes. Feignant de comprendre et de
compatir à l’exaspération des détenus, les matons en profitent
pour…demander plus de matons.
Que
notre colère noire puisse exploser des deux côtés des murs et les
emporte, eux, l’AP toute entière, la justice, l’Etat et ses
taules !
Et
pour inspirer et encourager notre rage, quoi de mieux que les faits
eux-mêmes :
Mi-mars,
à Lorient, un surveillant voulant sonder les barreaux est blessé
par un détenu. Le 10 avril, une mutinerie éclate dans la taule de
Vezin-le-Coquet (Rennes) ; des détenus frappent un maton et lui
subtilisent ses clés pour ouvrir les autres cellules, du produit
vaisselle est répandu au sol pour freiner lfavancée des ERIS,
des caméras de surveillance sont pétées, un incendie démarre.
Après la répression de cette révolte, la justice isole quatre
détenus, les accusant dfêtre les « meneurs » de la
mutinerie, et les condamne à de lourdes peines (de un à cinq ans
fermes). Fin avril, à Béziers, un détenu en fauteuil roulant
parvient à frapper trois surveillants venus le maitriser. Début
mai, suite à une série de revendications des détenus (depuis
novembre dernier), un prisonnier de Roanne met le feu à une cellule,
des matons sont pris à partie et frappés par des détenus. Début
mai toujours, des détenus du quartier maison centrale (QMC) de la
prison de Lille- Annoeullin se retranchent dans un atelier où ils
sfarment de ce qufils trouvent sur place pour se défendre.
Deux jours plus tôt, un détenu sfétait rebellé contre deux
surveillants, leur causant des blessures graves. Dans la nuit du 3
mai, le restaurant des surveillants de lfancienne prison de
Loos-les-Lille est incendié, probablement volontairement, tandis que
de nombreux tags insultant les matons sont retrouvés sur les murs
dfenceinte. Le 9 mai, un détenu de la prison dfAiton (Savoie)
tente de sféchapper lors dfun transfert par les pompiers suite
à une fausse tentative de suicide. Après avoir aspergé de gaz ses
surveillants, il tente de rejoindre la voiture où lfattendent ses
complices, mais est finalement repris. Le 10 mai, un homme sfévade
lors de son transfert de Thionville (Moselle) au centre de détention
d'Epinal (Vosges), profitant dfun arrêt sur lfautoroute, le
cavaleur franchit les deux voies et disparait dans la nature. Le même
jour, un détenu de Fleury-Mérogis qui tente de sfévader pendant
la « promenade » est repris à quelques mètres du
dernier grillage séparant la taule de la cavale. Le 15 mai à la
taule dfArgentan (Orne), un détenu qui vient de sortir du
quartier dfisolement fout une pastèque à un maton. Le 18 mai, à
lfoccasion dfun tournoi de basket réunissant matons et détenus
à Bercy, un prisonnier de Fleury-Mérogis parvient à se faire la
belle, fêtant ainsi la première sortie de la nouvelle ministre de
la Justice, qui venait prôner « formation et réinsertion ».
Le 21 mai, la famille dfun mineur enfermé à lfEPM de Lavaur
tente de rentrer en force dans la prison pour voir ce dernier,
insultant les surveillants. Rebelote quelques jours plus tard, où
trois personnes reviennent menacer de casser la gueule des matons et
de tirer sur lfEPM, et se barrent quelques minutes avant
lfarrivée des gendarmes. Le 23 mai à Nancy (Meurthe-et-Moselle),
un détenu sféchappe lors dfun transfert au tribunal, il est
repris quelques jours plus tard à la gare Saint-Charles de
Marseille, suite à une dénonciation anonyme. Une semaine avant,
dans cette même gare, un homme détenu à Mulhouse échappe aux
gendarmes qui lfescortent depuis lfAlsace pour le TGI de
Marseille, où il devait être présenté à un juge des libertés et
de la détention. Le 29 mai, un détenu se fait la malle à
Salon-de-Provence (Bouches-du-Rhône), suite à un transfert en
centre hospitalier. Il se rend le lendemain, exigeant de changer de
prison. Le même jour, cfest à Roanne (Loire), qufun détenu
réussit à prendre la poudre dfescampette, en se glissant parmi
les visiteurs sortant des parloirs. Le 30 mai, lors dfune
extraction pour visite médicale, un détenu de la prison de
Sarreguemines (Moselle) sfévade à lfaide de trois complices
armés qui tirent sur le fourgon pénitentiaire. Le 30 mai toujours,
les sept détenus du centre éducatif fermé (CEF) de Combs-la-Ville
(Seine-et-Marne) se mutinent, taguent et cassent les vitres du
centre. 25 000 euros de dégâts, le CEF doit fermer, comme en
février et mars derniers, après de nombreuses destructions.