[NB: Le 29/02/11, le Parlement a adopté le projet de loi dont nous parlons ici.]
Il y a peu de temps, l'assemblée a voté un projet de loi sur l'exécution des peines. Sous ce nom un peu obscur, se trouve en fait une nouvelle étape de l'enfermement en France. Le pouvoir nous envoie un message clair, les années 2010s seront brutales et carcérales. La volonté de fond de ce projet de loi est d'arriver d'ici quelques années à 100 000 places de prison en France contre 60 000 aujourd’hui, presque le double donc.
Il y a peu de temps, l'assemblée a voté un projet de loi sur l'exécution des peines. Sous ce nom un peu obscur, se trouve en fait une nouvelle étape de l'enfermement en France. Le pouvoir nous envoie un message clair, les années 2010s seront brutales et carcérales. La volonté de fond de ce projet de loi est d'arriver d'ici quelques années à 100 000 places de prison en France contre 60 000 aujourd’hui, presque le double donc.
Essayons donc d'y voir un peu plus clair pour savoir à quelle sauce ils vont essayer de nous manger si nous ne parvenons pas à en finir avec l'Etat, ses flics et ses prisons.
Examinons donc ce projet de loi : Les députés ont voté la création de 24 397 places de prison supplémentaires d'ici 2017, dont une partie sera construite dans le cadre de partenariats public-privé (PPP). « C'est une nécessité absolue aujourd'hui », affirme le député Ciotti qui avait remis avant l'été un rapport au président sur l'inexécution des peines pénales. Il s'agit de réduire de 35 000, sur 87 000 actuellement, le nombre de peines en attente d'exécution (en raison de la surpopulation carcérale) d'ici 2017.
Avec ces nouvelles « places », l'Etat prévoit aussi, théoriquement, d'embaucher 15 000 nouveaux matons, dont 7 000 dans l’immédiat. Il prévoit également la création de 120 postes de magistrats et de 89 emplois de greffiers dans les services de l'application et de l'exécution des peines. Aussi, la création de 88 emplois au sein du SPIP (services pénitentiaires d'insertion et de probation) dès 2013 et de 103 postes de psychologues.
Le texte révise également le classement des établissements pénitentiaires: « sécurité renforcée », « normale », « adaptée » et « à sécurité allégée ». Ces dernières, 6 000 au total, seront destinées aux « courtes peines », soient inférieures ou égales à un an.
A aussi été adopté la création de 20 nouveaux centres éducatifs fermés (comprendre prisons pour enfants) pour une « meilleure prise en charge des mineurs délinquants », une mesure qui s’accompagne de la création de 120 postes d’éducateurs/matons.
Par ailleurs, a été adopté un volet destiné à « mieux évaluer le profil des personnes condamnées » afin de mettre en place « un régime de détention adapté ». Trois nouveaux centres nationaux d'évaluation, pour les condamnés à une longue peine présentant « un degré de dangerosité supérieur » ont été créés. Dans la même veine, le texte prévoit d'augmenter le nombre d'experts psychiatres judiciaires, notamment via des incitations financières (des bourses) pour les internes en psychiatrie.
A une autre époque, le fait d’être enfermé dans une cellule individuelle était perçu comme une punition dans la punition. Aujourd'hui, alors que certaines cellules sont remplies de quatre détenus pour 9m² sans séparations et que l'administration pénitentiaire n’hésite plus à rajouter des matelas de fortune comme on enfile des perles, l'encellulement individuel est un privilège et les listes d'attente sont interminables. Ce nouveau projet de loi prétend répondre à la question de la surpopulation en construisant de nouvelles places. Il va de soi qu'il ne s'agit pas de réduire la population carcérale, mais bien de faire prendre une dimension supérieure à la surpopulation qui ne baissera pas en pourcentage.
La petite Agnès, le petit Kevin, la petite Laetitia , la petite joggeuse, le petit poucet... à chaque fait divers une nouvelle loi et les nouvelles peines de prison qui vont avec. Il fallait bien que le serpent arrête de se mordre la queue, car à force de bourrer les prisons à craquer, c'est à se demander s'il restera assez d’oxygène pour tout le monde à l’intérieur. Les peurs créées par les politiciens par le biais des médias comme les hordes de violeurs d'enfants, la multiplication inquiétante des serial-killers pédophiles à dents pointues, les multi-recidivistes de la décapitation de vieilles et autres ogres de contes de fées (en fait, environ 0,1 % de la population carcérale) servent en fait à justifier l’incarcération massive de dizaines de milliers de personnes, et plus fort encore, à ne plus se poser la question de la misère et de son lot de pratiques de survie qui fabrique l’énorme majorité de la population carcérale. Plutôt pratiques, les cadavres d'enfants dans des lacs, pour faire accepter aux plus cons cette vie de merde et de barbelés jusque dans nos esprits. L'instrumentalisation médiatique et politicienne des faits divers et l’arsenal répressif qui va avec, et qui dans les faits s’éloigne largement, lui, du domaine du spectacle, participe à une manne financière, un puits législatif et économique sans fond.
Ce projet de loi, c'est plusieurs milliards d'euros en plus dans les poches des vautours habituels de la machine à enfermer : Bouygues, Eiffage,Vinci, Suez, Eurest et tous les autres... Des constructeurs aux fournisseurs , de ceux qui s'engraissent en empoisonnant les prisonniers de leur bouffe malsaine que l'on ne donnerait pas à un rat d’égout, des architectes qui répondent à un cahier des charges bien particulier (empêcher les évasions, protéger les matons, isoler les prisonniers, les briser) à tous les salauds qui profitent de l'esclavage carcéral à moindre coût (GEPSA, Orange, Haribo, Bic, 3M, Renault, Yves Rocher, Dior etc.).
A l'heure où la misère gagne du terrain à une vitesse inédite, voilà donc la solution proposée par le pouvoir, la construction de milliers de nouveaux logements, mais en taule.
Les choses sont très claires, alors qu'est-ce qu'on attend ?