Le
21 août, Abdelhak Goradia meurt de « mort naturelle »
dans la voiture dans laquelle les flics l’ont embarqué, ligoté et
menotté, avec un casque sur la tête. Oui, quand les keufs
étranglent quelqu’un, il s’agit de « mort naturelle ».
Après la taule pour des fraudes (un moyen comme un autre pour
survivre) c’était l’avion qui attendait Abdelhak ;
direction l’Algérie, toute sa vie laissée ici, pas de retour. Il
s’est opposé à l’expulsion, c’est pour cela que les flics
l’ont assassiné. Il était pauvre, un étranger pauvre et il a
essayé de ne pas se laisser faire : voilà la raison de sa
mort.
En moyenne, tous les trois jours, une
personne « se suicide » en
prison, une autre meurt de « mort naturelle ». Ils
ne passent même plus aux infos. Des hommes et des femmes morts de
violence, de misère affective, d’abandon, de pauvreté. Morts de
la prison.
Les flics assassinent. Les frontières
assassinent. La justice assassine. La prison assassine. L’État,
dans tous ses ramifications, assassine.
Parfois ça fait un petit peu de bruit,
ça scandalise les belles âmes de gauche, le temps d’un JT.
Parfois une opération policière un peu plus médiatisée réveille
un petit peu les esprits. Il y en a qui crient au scandale, en
appellent à la même idéologie sur laquelle ce monde se base :
la démocratie des droits de l’homme. Il y en a qui dénoncent les
bavures policières et demandent justice (pour sûr…). Il y en a
qui dénoncent la montée du fascisme. Il y en a qui appellent à la
résistance, comme s’il y avait quelque chose à défendre, dans ce
monde.
Mais le problème ce n’est
pas la lepénisation de je-ne-sais-quoi, ce n’est pas la
bavure, l’exception. Le problème c’est la normalité, cette
normalité qui s’appelle démocratie, qui s’appelle république,
qui s’appelle libre marché.
Une normalité faite de hiérarchie, d’oppression,
d’exploitation, de résignation, de mort lente de l’esprit, d’un
certain nombre (petit ou grand, mais toujours normal)
d’assassinats étatiques.
Les flics, juges et matons tabassent,
mutilent, humilient, enferment tous les jours, dans les rues, les
tribunaux, les taules, partout. Les patrons, proprios et chefs nous
exploitent, nous empêchent de vivre, tous les jours. Les prêtres de
tous bords, les politiciens, les maîtres à penser nous dealent des
illusions pour nous pousser à l’obéissance et à la résignation.
Et ça parait « normal ».
Dans cette morne normalité il y en a,
parmi les pauvres, qui sont de trop par leur existence même. Il y en
a d’autres qui, par choix ou par erreur, font des pas de travers.
La police est la main qui vient frapper les têtes qui
ne se baissent pas. La prison est le destin promis aux pauvres qui
n’acceptent pas la soumission. Voilà tout.
Jusqu’à quand ?
La réponse à cette question
est assez simple, mais d’autant plus dure. Tant qu'on croira à des
fantômes tels les droits et la démocratie. Tant qu'on continuera
d'obéir. Tant qu'on ne décidera pas de prendre nos vies en main.
Tant qu'on se contentera de regarder ailleurs pour ne pas courir de
risques. Tant qu'on ne ripostera pas. Tant qu'on ne trouvera
pas le courage de commencer à mettre à bas ce monde
d’oppression et d’exploitation.
Tant qu'on continuera à penser qu’on
ne peut rien faire.