La
prison de Beauvais s’écroule. Une bonne nouvelle, penseront,
peut-être à tort, les amants de la liberté. Une bonne nouvelle
pour l’Etat et ses bourreaux : ça veut dire construire une
nouvelle taule, plus grande et plus sûre. Une bonne nouvelle pour
les patrons du ciment et les investisseurs : ça veut dire des
affaires.
Dès
juin commenceront les travaux de construction de la nouvelle prison,
à la sortie sud de la ville, en direction de Saint-Martin-le-Nœud.
Elle devrait « ouvrir ses portes » en octobre 2015, pour un total
de 594 places dans les trois bâtiments principaux, plus un pour les
femmes, le quartier disciplinaire et le quartier de semi-liberté.
Elle remplacera l’ancienne taule du centre-ville (qui compte 117
places) et la prison de Compiègne (82 places), celle-ci étant aussi
destinée à la fermeture. Dans l’Oise, la prison de Beauvais
restera en mauvaise compagnie avec la prison de Liancourt, où
l’ancienne taule a déjà été partiellement remplacée par un
nouveau bâtiment, ouvert en 2004 (actuellement 636 places).
La
forte augmentation des places disponibles en dit beaucoup sur la
volonté de l’Etat d’enfermer toujours plus de personnes dans des
taules toujours plus « sécurisées ». Celle de Beauvais,
notamment, sera un carré de 240 x 240 mètres, contrôlé par
quelques 300 matons, dont la plupart vont s’installer en nouveaux
arrivants dans le chef-lieu isarien.
La
nouvelle taule, dont le coût est estimé à 75 millions d’euros,
sera construite dans le cadre d'un partenariat public-privé : la
prison restera propriété privée et l’Etat s’engage à payer un
loyer aux constructeurs/propriétaires. Un consortium d’entreprises
dirigé par Spie Batignolles a gagné l’appel d’offre pour bâtir
(et ensuite entretenir) quatre nouvelles prisons, d’ici à 2016 :
Beauvais, Riom (Puy-de-Dôme), Valence (Drôme) et Lutterbach
(Haut-Rhin).
Spie
Batignolles est
un grand groupe de BTP, ayant participé à la construction du tunnel
sous la Manche, du Pont de Normandie, des métros de Lille, Toulouse,
Lisbonne et Le Caire, des Lignes à Grande Vitesse Méditerranée,
Rhône-Alpes et Est et (pour les ouvrages de génie civil) de la
centrale nucléaire de Koeberg, dans l’Afrique du sud de
l’apartheid.
Pour
ce qui sera de l’entretien et de la gestion de la prison quand elle
sera terminée (et pendant 25 ans), il y a Gepsa,
filiale de Cofely-GdF-Suez,
leader dans les services à l’Administration Pénitentiaire.
Et
pour la thune, voilà les investisseurs : Barclays
Infrastructure Funds Management,
filiale de la grande banque anglaise, et
FIDEPPP, Fonds
d’Investissement et de Développement des Partenariats
Public-Privé, du groupe BCPE, c'est-à-dire des Caisses
d’Epargne
et des Banques
Populaires.
Une
nouvelle prison est une mauvaise nouvelle pour les amants de la
liberté… mais elle n’est pas encore construite ! Et qui sait si
elle ne pourrait pas revenir plus cher que prévu aux vautours de
l’enferment ?