Il y a quelques temps, une brigade
spécialisée dans la répression des personnes identifiées comme
Roms s’était créée dans nos belles contrées de béton
parisiennes. Constituée de 8 officiers de police roumains en place à
la préfecture depuis septembre dernier chargés d’aider leurs
clones français à enquêter sur les « réseaux de délinquants »
d’origine roumaine, elle avait été renforcée dès le 28 novembre
d’une « Unité de lutte
contre la délinquance itinérante ». Celle-ci se
composait de 32 patrouilleurs également roumains, accompagnés
d’agents parisiens, chargés d’interpeller en premier lieu des
personnes assimilées comme Roms, surtout aux abords des grands sites
touristiques. Près de 1000 personnes auraient été ainsi
identifiées jusqu’au 31 janvier, où ces patrouilleurs ont été
relevés de leur précieuse mission. Pour ce qui est de la dizaine
d'inspecteurs affectés au traitement des affaires judiciaires, ils
devraient rester en poste au moins jusqu’à l’été 2012.
Afin de redorer un peu le blason de
cette collaboration, la Préfecture de Police a exhibé quelques
affaires auxquelles ils ont contribué, notamment le démantèlement
d’un réseau de proxénétisme au bois de Boulogne, à la suite
duquel quinze personnes ont été placées en détention. Mis à part
quelques coups de filets très médiatiques dans le genre, la grande
majorité des « délits » conduisant à une
interpellation relève plus du petit larcin et de la misère qui en
est la cause comme le vol à la tire, le vol de cuivre, l'arnaque au
porte à porte ou le cambriolage, la « mendicité agressive »,
ou la vente sauvage. L’idée était sans-doute aussi d’essayer
de limiter de trop grandes concentrations de misère pendant la
période de fêtes, ce qui n’est évidemment pas non plus pour
déplaire aux commerçants des principaux quartiers touristiques, car
au cours de la même période, plusieurs arrêtés anti mendicité
ont également vu le jour dans les Ier, VIIIe et IXe arrondissements.
Ceux-ci sont d’ailleurs maintenus dans les deux premiers jusqu’au
21 juin 2012. Sur les Champs-Elysées, l’arrêté a été relevé
le 6 janvier, au grand dam de ces cloportes assoiffés de thunes que
sont les commerçants et les associations de l’avenue la plus
luxueuse de Paris. Cela n’a pas empêché ce bon vieux Gaudin
(ex-Préfet de Police de Paris) de se féliciter des 220
contraventions dressées à l’encontre de personnes accusées de
mendicité sur ce secteur depuis la mise en place de l’arrêté.
Afin de faire un peu passer la pilule
on présente tout cela comme une Organisation constituée de
hors-la-loi : « Chaque clan a ses spécialités, et
les plus jeunes sont placés en première ligne » dixit Gilles
Beretti, le commissaire divisionnaire en charge de l’unité. Selon
lui autour de 400 enfants Roms ont été interpellés ou contrôlés
à Paris durant la durée de l'opération et au cours de l’année
2011, ce sont près de 10000 ressortissants roumains qui ont été
arrêtés à Paris. Le journaliste du Parisien auquel il s’adresse
n’hésite pas à en rajouter une couche, parlant d’une
« délinquance protéiforme, encadrée par des réseaux bien
structurés qu’il faut patiemment remonter jusque dans les villages
les plus reculés de Roumanie ».
Cette bonne vieille peur de l’étranger
vise sans-doute à nous rendre encore plus méfiants vis-à-vis de
ces personnes dont le mode de vie nomade basé sur des moyens
d'existence illégaux et qui ne rapportent rien à l’État
diffèrent des modes de vie conventionnels. On agite ainsi
l’épouvantail de dangereux « délinquants » appuyés
par de solides réseaux mafieux, attendant le moment propice pour
détrousser les braves et honnêtes passants. Ils sont ainsi perçus
comme de mauvais pauvres et non pas comme de simples pauvres parmi
les pauvres, comme des pauvres sur lesquels les autres pauvres
peuvent se défouler, oubliant ainsi les véritables ennemis.
Peut-être faut il comprendre cela à
la suite de la campagne anti-Roms appuyée sur la circulaire sur
l’évacuation des campements illicites qu’avait pondue
Hortefeux en 2010 et toute la violence qui l’accompagne ; qui
au passage ne se distingue pas particulièrement du traitement
réservé aux pauvres de toutes origines. Le pouvoir aura voulu
encore porter atteinte à l’image déjà bien mauvaise des gens
assimilés comme « Roms » en général et ce ne sont pas
les quelques mobilisations citoyennes qui ont permis de la dépasser.
Ils ne se sont jamais privés d’expulser des camps entiers de la
manière la plus grossièrement policière, voir même de les brûler
entièrement, de tabasser, d'expulser, d'incarcérer et le fait
d'appuyer sans cesse sur la « délinquance » ne peut
qu’aller dans ce sens.
Récemment plusieurs camps ont été
touchés par des incendies en région parisienne ; un le 21 mars
à Corbeil-Essonnes, un à Massy, le 26 mars et encore un autre le
31 mars à Bagnolet intoxiquant deux personnes. Les deux premiers
incendies ont été, moins d’une semaine après, suivis d’une
évacuation pour le camp de Corbeil, dont les anciens habitants ont
été (provisoirement) entassés dans un gymnase, et d’une
expulsion pour celui de Massy puisque le territoire qu’il occupait
appartenait à l’Etat. Précisons également que si
les incendies de Bagnolet et de Corbeil étaient supposés être
d’origine accidentelle, celui de Massy aurait été provoqué par
un cocktail Molotov d’après plusieurs habitants du camp. Il n’est
pas rare d’entendre parler de ce genre d'horreurs, mais la courte
période de temps qui sépare les différents incendies et procédures
d’évacuation ou d’expulsion en dit long sur la haine trop
partagée contre ces indésirables. Ni Police ni charité !