Pendant les dernières années, on a assisté à un très fort essor de ces véritables milices privées que sont les entreprises de sécurité. On les appelle « Agents de prévention et de sécurité », plus simplement « vigiles », et ils sont les gros bras des patrons, commerçants et proprios, les petits frères de la police d’État. Il s’agit souvent, d’ailleurs, d’ex-keufs ou militaires; des flics ratés, en somme.
Les plus chanceux parmi ces chiens de garde décrochent un poste dans une boîte semi-publique, comme le GPIS (Groupement Parisien Inter-bailleurs de Surveillance), où les salaires sont 30% plus élevés que la moyenne. Le GPIS est un consortium créé en 2004 entre la mairie de Paris (qui met la moité des 12 millions d’euros de budget) et des bailleurs sociaux (Paris Habitat, RIVP, Logement Francilien, SAGECO, Immobilière 3F, Siemp et autres). Son travail est de surveiller les quelques 76.800 logements appartenant à ces bailleurs, et au passage leurs 200.000 habitants. Ce « patrimoine immobilier » est situé dans dix arrondissements de Paris (bien sûr pas ceux du Ier au IXème et le XVIème : les GPIS ce sont bien des gardes-chiourme pour les pauvres !). Le patron du GPIS, qui le gère comme un clan mafieux, est son directeur opérationnel, Didier Desous (email : didier.desous@gie-gpis.com, standard : 01.58.60.20.30), un ancien militaire. Il dirige sa petite armada de mercenaires depuis le centre opérationnel du 8, Bd. Berthier (XVII).
Il y a plus ou moins 200 agents et 40 véhicules qui, divisés en deux services, patrouillent tous les jours de 19h30 à 4h30 (et toujours en contact radio avec le centre, qui les suit avec le GPS embarqué). Ils surveillent les parkings, les halls, les caves et les cages d’escalier des immeubles ; ils dégagent les jeunes ou font chier les SDF à la recherche d’un abri. Ils se baladent dans des grands monospaces (souvent des Renault Scénic) bleu marine, sérigraphiés GPIS. Une première bagnole abrite 3 ou 4 Rambos en bleu, rangers, gilet « pare-balles », talkie et grosses lampes torches (celles pour frapper), avec boucliers et menottes dans le coffre. Souvent, une deuxième suit, avec deux autres vigiles, en uniforme blanc : ils ne descendent pas et sont là pour « contrôler » que tout se « passe bien » lors des interventions... En juillet 2008 le GPIS a aussi acheté chez Mitsubishi un système de vidéosurveillance composé de 260 caméras installées sur 14 cités et reliées au centre opérationnel. Là, des opérateurs surveillent en temps réel les images (qui sont aussi stockées pendant au moins 15 jours) et éventuellement envoient les patrouilles.
Tous les matins, le GPIS transmet aux flics le rapport de ses missions. Mais ils mettent aussi les mains à la pâte. En 2011, 39 personnes ont été interpellées directement par le GPIS et 38 autres en collaboration avec les keufs. Les agents du GPIS ne sont pas des flics, mais, comme tout citoyen, ont le droit d’« appréhender l’auteur [d’un crime ou délit flagrant] et le conduire devant [les chtars] » (Art. 73 C.P.P). Mais le boulot de flic ne se fait pas si facilement que ça. En effet, depuis juillet 2013, la Préfecture de police a commencé à délivrer aux nervis du GPIS des autorisations de port d’armes de 6ème catégorie : tonfas et gazeuses. Si ça se trouve, les pauvres petits sont restés choqués après que dix des leurs se sont fait dégager depuis un immeuble, avenue de Flandre, fin mai : trois agents du GPIS ont fini à l’hosto. Une petite rebelote de ce qui s’était déjà passé il y a deux ans, dans l’avoisinante cité des Orgues de Flandre. Les sbires étaient arrivés pour faire chier des gens qui faisaient un barbeuc. Le ton était monté et tout le quartier s’était rué sur eux, à coups de chaises et de barres de fer ! Mais la spécialité des agents du GPIS c’est bien sûr faire de la provoc’ et ensuite appeler les flics. Tout comme le 26 mai 2012 à Saint Blaise. Un ballon de foot cogne contre une voiture du GPIS, les nervis en descendent et commencent à poursuivre des ados. Des gens du quartier s’interposent, mais les renforts des GPIS et des flics arrivent, plusieurs personnes se font matraquer ou gazer. Au final, 4 jeunes se font embarquer et juger pour violences volontaires à l’encontre des vigiles.
Au total, depuis 2004 le GPIS et ses agents sont à l’origine de 557 procédures judiciaires (403 pour atteinte aux personnes : eux ; 154 atteintes aux biens). Des centaines de personnes ont eu à faire à la justice et tout ce qui s’ensuit à cause de ces salauds. Ils arrangent les témoignages pour passer toujours pour des victimes et décrocher quelques jours d’ITT et un peu d’argent de dommages et intérêts. De plus, le parquet de Paris a pris pour habitude de leur reconnaître le statut d’« agent concourant à une mission de service public », c’est-à-dire que leur parole, comme celle des flics, compte plus que celle de tout un chacun et ils gagnent systématiquement les procédures.
Mais cela, quand même, ne les protège pas des barres de fer !