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Nique sa mère la réinsertion !

«Je ne veux pas d’écoles bunkers, d’écoles prisons. L’école doit être ouverte sur la société»
L. Chatel, ministre de l’éducation nationale.



Entrez…Entrez! En rang, deux par deux! Allez plus vite que ça! Silence! De l’ordre, de la discipline! Fermez vos gueules tas de morveux! Tous en classe, fermez la porte, bien fermée la porte! La leçon maintenant, silence! Allez, on sort, les carnets, un par un. A demain, huit heures.
C’est sûr, ça donne envie. Selon les partisans de l’éducation, il paraît même qu’on tuerait père et mère pour avoir droit à ça. Bien entendu, plus de Salut au drapeau, pas de Marseillaise à tue-tête. Les temps ont changé, n’est-ce pas? Aujourd’hui, plus de coups de règle en bois sur le bout des doigts. Eh quoi? Les gendarmes chevauchant sabre au clair pour saigner les grévistes ont aussi disparu des rues, non?
La modernité, c’est si beau. On peut obtenir le même résultat (de bons petits français) avec d’autres méthodes. Ah le progrès, la démocratie! La trique molle, le maître clément et bienveillant, le chauffage dans chaque salle, et même un ballon de foot. Les enfants sont vraiment trop gâtés. Évitons les parallèles hasardeux, mais de nos jours, on peut même avoir la télé en prison.
L’école prépare les pré-insérés, le travail absorbe tous les insérés, les vrais, les beaux, les propres, la prison réinsère les désinsérés. La boucle est bien bouclée. Mais la machine tousse un peu. Des futurs insérés coincent dans l’insertion. On a du mal à les insérer. Ils ne rentrent pas. Le moule est-il mal conçu, ou sont-ce les enfants qui sont mal formés? Ils menacent de désinsertion, on va les perdre. L'État essaye autrement. Voyons-voir: les gens n’aiment pas les vieux remèdes, ils veulent du neuf, du tendance, de l’inédit. Établissements Pénitentiaires pour Mineurs? Hm, non, non, ça c’est plus tard. Pourquoi pas Centre Éducatif Fermé? Déjà fait, et puis, c’est vrai, la prison doit être ouverte sur la société. Euh, non, l’école! L’école doit être ouverte sur la pris…sur la société! Un peu d’imagination que diantre. Établissements de Réinsertion Scolaire. Voilà, ça fait doux, ça fait soft, ça fait démocratie. Hop, une bonne vingtaine pour commencer, on verra ensuite. Et de préférence, décentralisés en dehors des grandes villes, pour réapprendre ailleurs, loin, les bonnes vieilles valeurs.
Au programme: cours le matin, activités sportives et ateliers l’après-midi. Sur la citoyenneté et la santé notamment (miam miam). La pédagogie «mettra l'accent sur l'apprentissage de la règle, le respect de l'autorité et le goût de l'effort». Ah le goût de l’effort! Et la suite: l’acquisition du «socle commun de connaissances», la «prise de conscience de l'importance du respect des règles de la vie sociale et scolaire» et la «construction d’un projet de formation et d'orientation». Waouh, ça va chier! La cible: collégiens, de 13 à 16 ans, multi-exclus, en extra-difficulté; 15 à 30 par centre, à côté de collèges «normaux», mais séparés quand même, pour éviter que ne se créent des complicités. La peine: un an renouvelable. Pour mettre les points sur les i, une note officielle précise que des partenariats seront créés, notamment avec le ministère de la Défense et celui de la Justice, pour appuyer les «intervenants»: profs, associations, pions, volontaires du service civique, et autres membres de la protection judiciaire de la jeunesse. Le tout avec la collaboration obligatoire des parents. Quoi ? des voix s’élèvent: «Mais est-ce que grouper ensemble dans une structure spéciale des gens tous en difficulté peut être la solution?», s'interroge un quelconque représentant des chefs d'établissement. «La suite le dira, mais on peut être sceptique, car on les met à l'écart, on crée un milieu à risques, et l'histoire montre qu'il n'y a eu que des échecs en la matière», citant l'exemple des «colonies d'enfants difficiles» fermées au cours du XXe siècle. Effectivement, on ne transforme pas si aisément la matière humaine en chair à démocratie, mais ce que le cuistre ne dit pas, c’est qu’il en va de même pour toutes les écoles, qu’elles soient «classiques» ou «spéciales» .
Le 19 octobre, en plein mouvement contre la réforme des retraites, un collège partait entièrement en fumée au Mans, tandis que dans pas mal d’établissements, les bureaux et les véhicules de membres de l’administration scolaire étaient attaqués en nombre. Rebelote le 13 octobre, une maternelle de Bagnolet était découverte saccagée en beauté.
Ces deux faits rappellent on ne peut plus clairement que certains parmi les promis au bagne, à l’intégration dans la société du travail ne l’entendent pas de cette oreille, et qu’à défaut de pouvoir tout foutre en l’air d’un coup, il faut bien commencer par quelque chose.
Bien entendu, ces temples du formatage citoyen sont sacrés. «Des méchants ont cassé l’école», tente d’expliquer un responsable de la FCPE à une gosse de 4 ans. Les parents se plaignent aussi, alors que les inconnus, bonnes âmes, leur ont épargné quelques journées de turbin.
Ingrats!