Les centres de rétention, appellation officielle pour les prisons destinées aux personnes sans-papiers, sont souvent présentés comme de simples « lieux d’accueil », où les conditions seraient sans comparaison possible avec les prisons (comprendre beaucoup moins dures). Pourtant ils ne diffèrent pas tellement des autres lieux de détention : murs, barbelés, enceintes sécurisées, unités de plus en plus réduites pour un contrôle resserré, gardiens armés. Tout y est fait pour empêcher les révoltes, et pour les étouffer quand elles ont lieu, afin que ça ne se sache pas au « dehors ». Comme pour l’ensemble de la société qui produit ces camps pour indésirables, la norme est la paix sociale, le calme, la résignation, l’acceptation des conditions qui nous sont imposées. L’Etat voudrait que rien ne s’y passe, à part la routine de l’enfermement et des expulsions.
Mais la réalité, c’est heureux, dépasse régulièrement ces prévisions et ces plans morbides. Et les humains qu’on fout en cage, lorsqu’ils ne sont pas labellisés citoyen-travailleur en règle, ne sont pas malléables comme des morceaux de terre cuite.
Ainsi, le week-end du 19 au 21 novembre dernier, plusieurs personnes détenues au centre de rétention de Vincennes ont réussi à se faire la belle, profitant d’une révolte à l’intérieur de la prison, durant laquelle du matériel fut défoncé, et plusieurs flics blessés. Ces derniers ont réagi rapidement : chasse aux évadés, bouclage du centre, troupes en renfort, réveil musclé au milieu de la nuit pour des fouilles collectives, suspension des visites. Le tout pour créer un black-out sur la situation à l’intérieur, black-out qui n’a pas fonctionné, puisque des témoignages ont tout de même circulé les jours suivants.
Pas de doute, la révolte incendiaire qui avait réduit cette taule en cendres en juin 2008 est restée dans les esprits. Cet épisode est d’ailleurs loin d’être clos, puisque les dix sans-papiers condamnés en mars 2010 pour cette mutinerie à des peines de prison ferme allant de 8 mois à 3 ans vont passer en appel, et que plusieurs personnes accusées d’actions en solidarité restent inculpées.
Toutefois la justice n’est pas la seule à s’activer : ainsi dans la nuit du 1er au 2 décembre, deux véhicules de la Croix Rouge (présente dans les camps pour étrangers en Italie et en Belgique, en France dans certaines zones d’attente, elle donne une précieuse caution humanitaire au sale travail de l’Etat) sont partis en flamme rue Desgoffe, dans le 6e arrondissement de Paris, en solidarité avec les évadés de Vincennes. La nuit du 31 décembre, un feu d’artifice est tiré juste devant le centre de rétention du Mesnil-Amelot (situé en bordure de l’aéroport de Roissy), suivi d’échanges de cris entre les artificiers et les détenus.
De tout cela, nous retenons que les murs et les flics ne viendront jamais à bout de nos désirs de liberté, et que les possibilités d’attaquer sont nombreuses.
Prenons une bonne résolution pour les temps présents : détruisons la machine à expulser, et avec elle, toutes les prisons.