Lucioles n°6 - février/mars 2012
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Lucioles n°5 - novembre/décembre 2011
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Lucioles n°4 (numéro spécial) - août/septembre 2011
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Lucioles n°3 - juin/juillet 2011
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Lucioles n°2 - janvier/fevrier 2011
Lucioles n°1 - novembre/décembre 2010
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Edito : Quand le paquebot rencontre l'iceberg - Contre la construction de la nouvelle cité judiciaire
Vous avez
peut-être déjà remarqué les projets d'urbanisation affichés le
long de l'Hôtel de ville ? On y voit clairement le souhait de la
ville de Paris de « moderniser » toute la capitale, sans
laisser de répit au moindre quartier. Parmi ses multiples projets
pour y parvenir, la ville de Paris a lancé un grand programme de
construction dans le 17e arrondissement, l'éco-quartier
Clichy-Batignolles, qui devra se situer entre la gare de
Pont-Cardinet, le métro Brochant et le périph'. Et comme la ville
pacifiée qu'ils souhaitent est indissociable du système de
répression qui la fait tenir, le ministère de la Justice a aussi un
grand projet : un nouveau palais de justice pour reloger le Tribunal
de Grande Instance (TGI) de l'île de la Cité, jugé trop petit pour
la tâche qui lui incombe, c'est-à-dire protéger la société
contre tout ce qui pourrait lui nuire. L'idée est donc de construire
un bâtiment tout neuf, qui sera appelé la « Cité judiciare »,
près de la porte de Clichy, dans l'éco-quartier en prévision. Le
ministère de la Justice a choisi d'en confier la construction à
Bouygues, suivant les plans réalisés par l'architecte Renzo
Piano, principalement connu
pour avoir dessiné en 1977 l'infâme Centre Pompidou, mais également
concepteur d'une bonne quantité de musées, aéroports et autres
édifices dans le monde entier [nous vous proposerons dans un
prochain numéro un portrait plus détaillé de cette starlette de la
domination. En attendant, notons déjà que son agence se situe au 34
rue des Archives, 75004 Paris].
Le site devra
rassembler le TGI de Cité (seules la cour d'appel et la cour de
cassation y resteront), les tribunaux d'instance de chaque
arrondissement de Paris, le tribunal de police, la Direction
Régionale de la Police Judiciaire (actuellement basée au tristement
célèbre 36 quai des Orfèvres), ainsi que de nombreux
services du système judiciaire (dont le service de l'application des
peines).
Le projet : une
tour en verre de 160m de hauteur, construite en trois blocs
superposés sur le socle (lui donnant une allure de paquebot), ornée
de jardins suspendus sur chaque toit pour faire plus vert. Au total,
plus de 60 000 m² de surface, 90 salles d'audience, un parvis
immense avec cafés et restaurants, des « papillons » ou «
branchies photovoltaïques » pour donner un style «
tendance », un jardin d'hiver et un ascenseur panoramique. Et
pour « urbaniser » encore le quartier et acheminer magistrats,
flics et visiteurs, les lignes de métro 14 et de tramway 3b seront
prolongées et passeront par la station porte de Clichy, sur le
parvis du nouveau tribunal.
L'édifice a été
conçu suivant les critères à la mode du capitalisme vert : sa
consommation d'énergie devrait être divisée par deux par rapport
aux autres tours de cet acabit. Et comme les promoteurs du «
développement durable » se satisfont très bien de l'idée de
construire partout plein de tours en verre et en béton, du temps
qu'il y a quelques arbres plantés dessus pour faire joli, pour faire
« nature », alors le bâtiment est parfaitement conforme au
style en vogue. De plus, notre bienfaiteur Renzo Piano n'oublie pas
le futur usage qui sera fait de son œuvre : « c’est un endroit
qui va accueillir des gens fragiles, en attente d’être jugés.
J’ai donc voulu quelque chose d’accueillant, qui dégage de la
luminosité et de la sérénité. [...] On doit créer un esprit de
confiance pour la personne qui va être jugée ». Délicate
attention ! Au moins, une fois en prison, ces « gens fragiles »
pourront le remercier d'avoir rendu leurs interrogatoires, détention
et procès plus agréables et sereins. « Le palais sera clair,
léger, transparent et ouvert sur la ville, l’antithèse du palais
intimidant, hermétique et sombre du passé. » Nous voilà
rassurés ! Oui, parce que même si les bonnes vieilles méthodes de
répression ne changent pas, ou peu (on enferme quiconque a fait un
faux pas, et on brandit la menace de la prison à tous les autres
pour effrayer et faire marcher au pas), il est tout de même
conseillé de mettre au goût du jour le visage de la vieille
justice. Maintenant qu'on a transféré les bidonvilles dans de
lugubres barres HLM, qu'on construit des prisons aux murs de plus en
plus blancs, qu'on sait bien faire croire que l'on enferme ceux que
la société considère comme « fous » pour les soigner, qu'on
jette de la poudre aux yeux en faisant passer les intérêts du
patron pour ceux des employés, les nécessités des dominants pour
le produit de la volonté générale, on veut faire passer un
tribunal pour un « lieu accueillant ». A entendre tant parler
d'absurdités comme des prisons plus « humaines », des guerres
justes, des camps humanitaires, des métiers passionnants, c'est que
la mode doit être à l'oxymore, alors pourquoi pas un palais de
justice « accueillant », tant qu'on y est ?
Voyons les
mots-clés du projet : sûreté, efficacité, confort. La sûreté,
cela paraît évident pour un palais de justice où le pouvoir va
transférer, interroger, enfermer, juger ses ennemis ou ses
concurrents. De l'efficacité, car la Justice, il ne faut pas
que ça traîne ! Et le confort, sûrement pas pour tout le
monde... Sûrement pour ces pourritures de magistrats qui auront un
bureau avec vue sur la ville, pourront se déplacer en ascenseur
panoramique ou profiter du jardin d'hiver du palais entre deux
assassinats judiciaires. Le confort ne sera sûrement pas pour ceux,
peut-être nous, qui se retrouveront sur le banc des accusés ou dans
les cellules du dépôt, cela serait presque absurde puisque tout le
mal que l'on se donne pour cette bâtisse et le système répressif
qui la requiert a pour but de mieux nous traquer, nous pourchasser,
nous sermonner, nous enfermer, nous humilier, nous éduquer, nous
(ré)insérer... Notre architecte mégalomane n'a pas oublié les
fauves à dompter, pour qui est généreusement prévu un « espace
sécurisé », pour assurer la « protection du palais »
(des cellules pour les détenus et prévenus, fonction qu'assurent
actuellement le dépôt et la souricière de la Cité, célèbres
pour leur état glauquissime).
Avec
le lancement de ce nouveau projet, le sens du souhait du maire
de Paris Bertrand Delanoë d'une « justice plus ambitieuse »
apparaît sans équivoque : pouvoir juger plus, et donc
inévitablement condamner plus. Ils veulent que la répression
s'accentue et que la pacification progresse pour garantir l'ordre
dont ce monde a besoin pour tourner sans encombres, pour assurer le
maximum de profits aux puissants. Et si la paix sociale coûte cher
(elle coûte notre résignation et tout ce que l'Etat compte de
flics, de prisons, de tribunaux, de collabos, de balances, de pôles
emploi et autres outils de contrôle), c'est que d'un autre côté
elle rapporte beaucoup à ses vautours : les célèbres Bouygues,
Eiffage et Vinci ainsi qu'une multitude d'autres entreprises rapaces
qui remplissent à craquer leurs immenses poches en construisant
prisons, centres de rétention ou tribunaux, en installant partout
des caméras de vidéo-surveillance, en assurant la maintenance de
commissariats, en participant activement à la restructuration
urbaine, en bétonnant de plus en plus le monde, etc.
Côté technique,
la construction du palais revient donc à Bouygues Bâtiment
Ile-de-France (filiale de Bouygues Construction), dans le
cadre d'un partenariat public-privé, moyennant quelques 600 millions
d'euros, et le contrat précise que la maintenance de l'édifice sera
effectuée par la société Exprimm, elle aussi filiale de
Bouygues, pendant 27 ans et en l'échange de plus ou moins 90
millions d'euros chaque année. Ce coût exorbitant a tout de même
fait hésiter quelques politicards, et le gouvernement est
actuellement en train d'essayer de renégocier le contrat, mais
Bouygues a tout prévu lors de sa signature
début 2012 pour ne pas pouvoir se faire avoir ensuite : en cas
d'abandon total du projet, l'Etat devrait lui verser des indemnités
à hauteur de 80 millions d'euros. Du coup, le projet est maintenu,
les travaux devraient commencer mi-2013, pour une mise en service en
2017... à moins que nous ne l'empêchions, en attaquant ces
politiciens et leurs collabos
partout
où ils se trouvent !
Faisons
en sorte que ce paquebot géant finisse comme le Titanic,
Brèves - avril 2013
● 1,2,3… Le
4 avril, dans le comico du VII, un keuf s’est suicidé. Le 2, un
autre flic, à Denain (59), a mis fin à ses jours lui aussi. Le même
jour, à Saint Germain-Laxis (77), rebelote : c’est le tour de
Noël Rabin, boss des keufs de son état, de libérer le monde de sa
présence. On attend avec impatience les nouvelles des jours
suivants… Entretemps, chez Monop’ de Couronne, on peut pecho
assez facilement du champagne !
● Feu au
tribunal ! Dans la nuit du lundi 8
avril, quelqu’un a mis le feu au Tribunal de commerce de Beauvais.
Une vitre du greffe a été cassée et un engin incendiaire a été
lancé à l’intérieur. Malheureusement, le tribunal continue son
activité, bien que des dossiers soient partis en fumée.
● Paf les matons ! Quatre matons de
Bois-d’Arcy sont reconnus par d'anciens détenus dans une boîte de
nuit des Yvelynes le 17 février, ils sont copieusement tabassés.
● Paf les syndicats de matons ! Le 28
janvier et le 3 février, les vitres des locaux CGT des 19e et 20e
arrondissements ont été défoncées en réponse aux protestations
des matons qu'elle syndique, et en solidarité avec les prisonniers
en lutte de Roanne et d'ailleurs.
● Mais qui peut bien en vouloir aux
banques ? Dans la nuit du 10 février, la quinzaine de distributeurs
de banque de la rue de Belleville s’est retrouvée dans
l’impossibilité de fonctionner grâce à de la colle dans la fente
qui prend la carte.
● Elle fait mal hein ta lacrymo ? Le
8 mars dernier, une quarantaine de jeunes trublions s’introduisent
de force dans le MacDo du centre commercial de
Saint-Quentin-en-Yvelines. Les flics interviennent mais quelques
minutes plus tard, un nouvel affrontement éclate devant un magasin.
D’après les flics, « L’un des jeunes a projeté une adjointe de
sécurité contre la voiture alors qu’elle menottait un autre
suspect. C’est alors que celui qui avait réussi à se libérer a
donné un coup de poing dans l’extincteur à gaz lacrymogène tenu
par un autre policier. » La flic reçoit alors la bombonne qui lui
explose à la gueule, elle est sérieusement brûlée au visage et
aux yeux.
Coupures
● 14
janvier : Pas de courant pour les bourges ! Dans la nuit,
un incendie s’est déclaré dans un poste ERDF de Levallois-Perret
et a privé d’électricité jusqu’à 70 000 foyers de Levallois
et Neuilly.
● 14
février : à cause d’un accident sur un transfo, une
partie du quartier du Chaperon vert, à Arcueil, a été privé
d’électricité pendant quelques 24h. Idem comme ci-dessus.
● 24
février : l’incendie d’une installation électrique le
long de la ligne U (La Verrière-La Défense) du Transilien bloque
complètement la circulation des trains. Une armoire électrique et
informatique qui commande les feux de signalisation, les aiguillages
et les systèmes de sécurité est partie en feu. Aujourd’hui, pas
de taffe ! Et demain, le bus… ou non ?
● 4
mars, encore à Arcueil : un pâté de maison reste sans
électricité à cause d’un câble souterrain brulé.
● 5
mars, Créteil et environs : 60 000 clients EDF sans
électricité durant une heure. Court-circuit sur une ligne à très
haute tension enterrée dans le sol, probablement à cause d’un
coup d’excavatrice sur un chantier de travaux routiers. Le courant
est remis en raccordant le réseau à une autre ligne THT.
Le vent se lève... Sabotons la machine à expulser
On entend beaucoup parler ces derniers
temps des centres de rétention et des politiques migratoires,
essentiellement à travers la rhétorique du scandale : mise en avant de
l’image de la famille innocente et bien intégrée, qui travaille ici,
dont les enfants sont scolarisés, insistant sur l’ignominie qu’il y a à
les enfermer dans des camps. Toute une rhétorique employée pour
mobiliser l’indignation citoyenne, pour crier au racisme en se vivant
comme des résistants, pour lancer de vains appels à réformer la gestion
de la machine à expulser, à améliorer les conditions d’enfermement, à
trier les « bons » des « mauvais » sans-papiers.
N’y allons pas par quatre chemins : nous ne
souhaitons pas ajouter nos larmes à ce bal des pleureuses, nous ne
luttons pas contre la machine à expulser par empathie et encore moins
par pitié, ni dans le but de la rendre plus humaine, mais pour la
détruire. De la même façon, nous ne partons pas du principe que les
personnes enfermées dans ces camps seraient des victimes à secourir, ou
qu’il faudrait assister leur intégration (ou leur réintégration) dans
cette société que nous voulons désintégrer totalement. Les logiques
syndicales, humanitaires et réformistes ont depuis longtemps démontré
leur rôle de cogestion des logiques d’exploitation, de contrôle et
d’enfermement, en bref de domination.
Les sans-papiers, comme tous les autres exploités, n’ont jamais eu besoin de souteneurs ou de chevaliers vaillants pour se révolter, beaucoup n’ont jamais attendu le feu vert de quelconques militants et politiciens. En témoigne, parmi une multitude d’actes individuels et collectifs, des plus quotidiens aux plus spectaculaires, l’incendie de la plus grande prison pour étrangers d’Europe, le centre de rétention de Vincennes en juin 2008.
Le centre de rétention n’est qu’un seul des rouages de la machine à expulser qui n’est elle-même qu’un seul des rouages de la machine infâme qu’est ce monde de barbelés et de domination. De fait, elle n’est pas un concept à discuter sur les bancs douillets d’une université, elle s’incarne dans une foultitude de responsabilités concrètes : des associations humanitaires comme la CIMADE, France Terre d’Asile, l’Ordre de Malte, Forum Réfugiés et la Croix-Rouge qui co-gèrent les centres et les zones d’attente en bonne entente financière avec l’Etat ; RATP, Air France, Carlson Wagon-Lit, Royal Air Maroc et SNCF : tous déportent, et certains ajoutent leurs contrôles à ceux des flics ; le groupe Accor qui dépanne l’Etat de quelques places de prison dans ses hôtels ; les institutions qui organisent les rafles en guet-apens comme Pôle Emploi, CAF, la Sécu... ; les entreprises qui organisent la logistique à l’intérieur des taules comme Sodexo, Avenance, GDF-SUEZ, Veolia, Eurest... ; les constructeurs comme Bouygues, Vinci, Eiffage ; les suceurs de sang et de sueur des boîtes d’intérim comme Randstad, Adecco, Manpower ; les syndicats qui négocient les critères d’expulsion à la table de l’Etat comme la CGT, CFDT, SUD, UNSA, FO et tous les partis politiques qui font leur beurre électoral sur la question des migrants...
Toute une maxi-brochette de collabos sans lesquels l’Etat, ses flics, ses juges et ses gendarmes ne pourraient pas gérer cette machine de déportation. Les motivations de ces charognards n’ont rien de bien raciste, car l’argent n’a pas de couleur, et c’est pour la manne financière dont ils profitent qu’ils prêtent tout leur concours à ce système de merde.
Pointer les responsabilités claires de ces collaborateurs ne signifie pas les réduire à la seule question des expulsions et des frontières. On retrouve tous ces vautours dans la gestion quotidienne de l’exploitation, de l’enferment, de la domination, car nous sommes tous, avec ou sans-papiers, du gibier à frontières, à matons, à patrons, à humanistes.
Ils ont des noms et des adresses, chacun peut leur renvoyer un peu de leurs responsabilités à la gueule de la façon qu’il estime la plus pertinente.
Dans cette guerre sociale sans trêve, il est toujours temps d’exprimer notre haine sans concession, et d’attaquer sans médiations tout ce qui nous rend esclaves.
Centres de rétention, papiers, prisons, frontières, gestionnaires et co-gestionnaires de la domination :
[Tract trouvé dans les rues de Paris, décembre 2012]
Les sans-papiers, comme tous les autres exploités, n’ont jamais eu besoin de souteneurs ou de chevaliers vaillants pour se révolter, beaucoup n’ont jamais attendu le feu vert de quelconques militants et politiciens. En témoigne, parmi une multitude d’actes individuels et collectifs, des plus quotidiens aux plus spectaculaires, l’incendie de la plus grande prison pour étrangers d’Europe, le centre de rétention de Vincennes en juin 2008.
Le centre de rétention n’est qu’un seul des rouages de la machine à expulser qui n’est elle-même qu’un seul des rouages de la machine infâme qu’est ce monde de barbelés et de domination. De fait, elle n’est pas un concept à discuter sur les bancs douillets d’une université, elle s’incarne dans une foultitude de responsabilités concrètes : des associations humanitaires comme la CIMADE, France Terre d’Asile, l’Ordre de Malte, Forum Réfugiés et la Croix-Rouge qui co-gèrent les centres et les zones d’attente en bonne entente financière avec l’Etat ; RATP, Air France, Carlson Wagon-Lit, Royal Air Maroc et SNCF : tous déportent, et certains ajoutent leurs contrôles à ceux des flics ; le groupe Accor qui dépanne l’Etat de quelques places de prison dans ses hôtels ; les institutions qui organisent les rafles en guet-apens comme Pôle Emploi, CAF, la Sécu... ; les entreprises qui organisent la logistique à l’intérieur des taules comme Sodexo, Avenance, GDF-SUEZ, Veolia, Eurest... ; les constructeurs comme Bouygues, Vinci, Eiffage ; les suceurs de sang et de sueur des boîtes d’intérim comme Randstad, Adecco, Manpower ; les syndicats qui négocient les critères d’expulsion à la table de l’Etat comme la CGT, CFDT, SUD, UNSA, FO et tous les partis politiques qui font leur beurre électoral sur la question des migrants...
Toute une maxi-brochette de collabos sans lesquels l’Etat, ses flics, ses juges et ses gendarmes ne pourraient pas gérer cette machine de déportation. Les motivations de ces charognards n’ont rien de bien raciste, car l’argent n’a pas de couleur, et c’est pour la manne financière dont ils profitent qu’ils prêtent tout leur concours à ce système de merde.
Pointer les responsabilités claires de ces collaborateurs ne signifie pas les réduire à la seule question des expulsions et des frontières. On retrouve tous ces vautours dans la gestion quotidienne de l’exploitation, de l’enferment, de la domination, car nous sommes tous, avec ou sans-papiers, du gibier à frontières, à matons, à patrons, à humanistes.
Ils ont des noms et des adresses, chacun peut leur renvoyer un peu de leurs responsabilités à la gueule de la façon qu’il estime la plus pertinente.
Dans cette guerre sociale sans trêve, il est toujours temps d’exprimer notre haine sans concession, et d’attaquer sans médiations tout ce qui nous rend esclaves.
Centres de rétention, papiers, prisons, frontières, gestionnaires et co-gestionnaires de la domination :
Autant en emporte le vent de la liberté !
[Tract trouvé dans les rues de Paris, décembre 2012]Solidarité avec Ibrahim
Tout commence un dimanche
16 décembre 2012 au soir, au centre de rétention de Palaiseau au
sud de Paris. Quatre sans-papiers retenus ont réussi à s’évader
de cette prison pour étrangers.
Les évadés sont
courageusement parvenus à s'emparer par la force du badge magnétique
d'un flic appelé dans la salle de télévision afin de pouvoir
ouvrir les portes, après en avoir ouvert quelques unes, ils se
seraient dirigés vers la zone de livraison du centre où ils ont
escaladé les grillages et ont réussi à se faire la belle. Nous
aurions préféré que l'histoire s’arrête là, mais
malheureusement un des retenus, Ibrahim qui selon l’enquête
immobilisait le flic pendant que les autres s’évadaient, a été
choisi pour être le bouc émissaire de cette belle évasion.
Humiliés par le courage des évadés face à leurs chiens de garde,
police et justice réagissent au quart de tour. Ibrahim est
immédiatement placé en garde à vue puis incarcéré à la prison
de Fleury-Mérogis. Une instruction en attente d’un procès est
alors lancée.
Presque un mois plus
tard, avec une rapidité que nous ne lui connaissons qu'en de grandes
occasions, la justice fait son procès à Ibrahim et décide d'en
faire un exemple. Le 18 janvier 2013, il est condamné par le
tribunal correctionnel d’Évry (pour « vol et violence en
réunion sur agent dépositaire de l’autorité publique ayant
entraîné une incapacité de travail de moins de 10 jours » et
« soustraction à une mesure d’éloignement » en
récidive) à deux ans de prison ferme, ainsi qu'à verser 1000 et
600 euros de dommages et intérêts à deux flics qui en profitent
pour arrondir leurs fins de mois, leurs noms : Frantz
Piece et Coralie
Bouton. Ibrahim retourne donc à
Fleury, après avoir été jugé sans avocat (malgré sa demande),
mais il parvient à faire appel.
Dehors, des solidaires
commencent à tenter de briser l'isolement, peu avant le procès, un
tract est massivement diffusé (« D'une prison à l'autre »),
notamment dans le Nord-Est de Paris, des stands d'informations sont
tenus à Belleville, Couronnes ou Bagnolet pour parler de la
situation d'Ibrahim, dans la continuité d'une lutte contre tous les
enfermements. Côté matériel, la caisse de soutien aux prisonniers
de la guerre sociale Kalimero se charge de faire parvenir des mandats
mensuels à Ibrahim, tandis qu'une cantine est organisée le 1er mars
2013 à Bagnolet pour récolter un peu d'argent et des fringues. Un
sabotage de distributeurs de billets sur la rue de Belleville est
également dédié à Ibrahim, parce que la meilleure solidarité
c'est l'attaque.
Lors du procès en appel,
le 20 mars 2013 au TGI de Paris, des individus solidaires sont
présents. Le 2 avril 2013, les juges de la cour d’appel rendent
finalement leur verdict concernant Ibrahim: les chefs d’inculpation
de tentative de soustraction à une mesure d’éloignement et de vol
aggravé ont été annulés. Mais il a été reconnu coupable pour
les violences aggravées sur agents dépositaires de l’autorité
publique en état de récidive légale, et condamné à 1 an de
prison ferme. Il est donc maintenu en détention à la prison de
Fleury-Mérogis.
On peut écrire à
l'adresse: evasionpalaiseau@riseup.net
On peut également écrire
à Ibrahim (si possible en arabe) à cette adresse:
Ibrahim El Louar
écrou n°399815
Bâtiment D4 – MAH de
Fleury-Mérogis
7 avenue des Peupliers
91705
Sainte-Geneviève-des-Bois
Grand Paris, laisse béton !
Les promoteurs d’un avenir vert-de-gris ont encore
frappé. Dans le cadre du vaste projet d’urbanisme pour un Grand
Paris, ils ont donné quartier libre à l’architecte Jean Nouvel
pour l’érection d’un phallus de 175 mètres au sud de la
capitale. Gratte-ciel de verre et d’acier, légèrement penché
pour faire passer la lumière, la « Tour Duo » va projeter son
ombre sur le boulevard des Maréchaux d’ici à 2018. Début des
travaux : 2014.
La brochure promotionnelle évoque 91’225 m² de
bureaux, 7737 m² d’hôtel quatre étoiles, 4456 m² de locaux
d’activités et 1832 m² de commerces, pour un budget estimé à
600 millions d’euros. Dans leur folie transformatrice, les
technocrates du Grand Paris ont encore une fois statué que le béton
serait d’utilité publique. Rien de bien surprenant, puisque chacun
sait combien béton = pognon. Et que les pauvres aillent se faire
voir !
Comme à la place du futur phallus de Jean Nouvel se
trouve une ancienne cimenterie, des travaux ont dès à présent
abouti sur la construction d’une nouvelle cimenterie à quelques
pas de là, le long des voies SNCF, pour libérer le terrain aux
pelleteuses du Grand Paris et donner un nouvel espace de jeu aux
cimenteurs. Et personne ne sera étonné qu’une filiale de VINCI se
soit chargée de ce vilain travail [...].
[extrait d'un communiqué publié sur Indymedia]
Edito n°2: Travailler c'est se constituer prisonnier
« Un édifice basé sur des siècles d'histoire ne se détruit pas avec quelques kilos d'explosifs »
Pierre Kropotkine.
Nous sommes tous à un moment ou un autre de notre vie des prisonniers, car travailler c'est se constituer prisonnier. Pourtant le travail tue bien plus que la prison, c'est même le plus grand meurtrier de masse de l'histoire. Il l'a toujours été, certes, mais le mode de production capitaliste et son organisation du travail ont largement participé à intensifier violemment les rapports d'exploitation au sein des entreprises, dans les usines et les commerces. Concrètement, il faut produire toujours plus, toujours plus vite, faire du chiffre, donner de sa personne. Mais toute cette machinerie ne pourrait pas tourner sans l'idéologie qui accompagne le Travail, et qui est souvent forcée d'employer la menace et la contrainte pour s'imposer.
Un peu partout, des individus sont aux prises avec des conditions de vie plus que merdiques et inacceptables, la pauvreté gagne du terrain parmi toujours plus de gens, et même chez ceux qui se croyaient à l'abri. Cette misère qui s'impose de guerre lasse est aujourd'hui l'une des raisons qui poussent beaucoup d'employeurs, des grands patrons qui jonglent avec les millions aux petits commerçants de quartier, à serrer drastiquement la vis sur les diverses latitudes de l'exploitation de leurs salariés. Dans ce serrage de vis général, certains abusent plus que d'autres et certains, même, se permettent de dépasser les cadres légaux et le code du travail. Parfois au JT, certains sont épinglés sur des cibles de jeu de fléchettes pour que la foule puisse se défouler, et oublier par ailleurs ce qui constitue le vrai problème: que le travail et l'exploitation sont en eux-mêmes des abus, que notre dignité ne sera pas retrouvée tant que nous n'en aurons pas fini avec l'économie, le capitalisme et la marchandisation.
Du grand patron de la finance qui a gratté des milliards sur le dos de pauvres endettés et expulsés de leurs logements au petit gérant de supérette, de restaurant ou du bâtiment qui a licencié à tour de bras, qui s'est rendu responsable d'humiliations et de traitements dégueulasses sur ses employés, qui a employé des sans-papiers en les payant moins qu'il ne payerait un âne, tous peuvent du jour au lendemain se retrouver sous les feux de la rampe. On les appelle, de façon bien commode, les « patrons voyous », et les racailles politiciennes des partis et organisations de gauche et d'extrême-gauche comme de droite et d'extrême-droite font leur beurre électoral dessus tandis que les charognards médiatiques en font leur quatre-heure dans leurs pages « sociales ». On peut maintenant tous se défouler sur quelques salauds désignés par la vindicte populaire et oublier tous nos problèmes.
Cependant, la notion de « patron voyou » nous semble bien superficielle. Certes, certains patrons outrepassent leurs droits, en cela, ils sont des voyous vis-à-vis de la loi, mais cela ne nous intéresse pas. Notre problème est plus épineux, c'est qu'il existe encore des patrons et des employés, des maitres et des esclaves, des riches et des pauvres, la hiérarchie et l'argent. Il faut refuser d'accepter la catégorie des « patrons voyous », parce que celle-ci créé une autre catégorie, celle des « bons patrons », des « bons gérants ». Cela est inacceptable, parce qu'endosser les habits du patron, c'est accepter les règles d'un jeu qui n'a d'autres conséquences que l'avilissement de l'humain par l'humain. Le « bon patron » aura beau éclairer le monde de sa beauté intérieure, il reste celui qui donne des ordres. De plus, la notion de « patron voyou » impliquerait que l'exploitation ne serait que le fait d'un petit nombre de patrons abusifs dans un monde qui respire la joie au travail, alors que non, nous vivons dans une société de merde qui est elle-même le produit du travail, et qui en est profondément malade.
C'est aussi le mensonge qui affirme que la souffrance du travail n'est imputable qu'à quelques individus facilement isolables et pas à un mode d'organisation de la vie, qui la soumet à des impératifs de production et qui transforme tout ce qui est, vivant ou non, en marchandise. Et même si demain une bande de justiciers avant-gardistes exécutait chaque patron voyou d'une balle dans la tête en pleine rue, le problème resterait là, dans les marques laissées sur nos corps par des années de turbin, dans l'état de léthargie dans lequel se trouve le travailleur après une journée de travail.
Aussi vrai qu'un édifice basé sur des siècles d'histoire ne se détruit pas avec quelques kilos d'explosifs, le travail ne sera pas détruit par la simple critique de l'exploitation.
Pour la destruction totale du travail.
Brèves
Nouveau projet pour divertir les pauvres, la mairie socialiste du XIXe a décidé d'installer 7 salles d’art et d’essais à la porte des Lilas pour la fin 2011. « On espère créer avec ces futurs cinémas un cœur battant pour ce secteur, un lieu de convergence entre Paris et les communes limitrophes » assure François Dagnaud, premier adjoint (PS) du XIXe. S'inspirant du modèle du MK2 des quais de seine à Stalingrad/Jaures, ils espèrent ainsi faire baisser la délinquance et les trafics. Mais nous ne sommes pas dupes, ni terrain de foot, ni politique, ni urbanisme culturel ne calmeront notre rage.
Dernièrement, des directives ont été données dans plusieurs départements par des préfets pour que les sans-papiers ne puissent pas accéder aux « centres d’hébergement d’urgence », d'immondes taudis dans lesquels se protéger du froid quelques heures. Il s'agit de resserrer l'étau sur les sans-papiers, à l'heure où de nombreuses personnes crèvent du froid dans la rue, dans un silence glacial.
Dimanche 26 décembre à Montreuil, des inconnus s’en sont allés dire leur façon de penser à ceux qui s’enrichissent sur notre misère, en l’espèce, des agences immobilières. Trois d’entre elles ont vu leurs serrures sabotées à la soudure à froid, enrichie de petits bouts de bois, et leurs façades maculées de tags : « Nik les proprios », « Nik la propriété », « Père Noël, je voudrais qu'il n'y ait plus de prisons du tout », « spéculateur de la misère », « Liberté pour tous », « Feu aux prisons ».
C’est bien là les seuls cadeaux qu’ils méritent.
A Argenteuil. Un supermarché Franprix et ses 1500 m2 de marchandises partent en fumée, le 26 décembre, un jour après la grande communion de fin d’année. Un coup de colère inattendu du Père Noël ? Il serait monté sur le toit, puis, en guise de cadeaux, aurait déversé un beau petit paquet de cocktails Molotov, ravageant ce grand temple du capitalisme, et faisant tomber en larmes ses adorateurs. Adorateurs qui réclament illico la mise en place d’un commissariat juste en face. Quelques semaines auparavant, le magasin avait été pillé par une quinzaine de personnes peu soucieuses de passer par les caisses. Rebelote quelques jours plus tard, avec le double de joyeux participants. Enfin, le 8 décembre, c’est la voiture du gérant qui part en fumée, en guise de cerise sur la gâteau.
Voilà le genre d’illuminations qui réchauffe nos cœurs. Vivement la nouvelle année !
Le dernier week-end précédant Noël, les flux d’argent ont été perturbés par de vilains profanateurs, qui ont englué quelques distributeurs automatiques de billets des quartiers bourges de la capitale. Voici le communiqué anonyme retrouvé sur le net:
« Comme DAB. Dans la nuit de vendredi 17 à samedi 18/12 à Paris, une dizaine de DAB ont été sabotés à la colle forte (fente + clavier) dans le quartier des grands magasins, la veille du jour où ces derniers réalisent leur plus gros chiffre d’affaire de l’année. Mort au père noël ! Vive l’anarchie ! »
En 2010 dans toute la France, c'est 42 000 voitures qui ont été incendiées, un sport national bien plus passionnant que le foot. La moyenne s'élève donc à 115 bagnoles cramées par jour. Vous aussi participez au concours, choisissez bien vos cibles et faites péter les stats ! Bonne année 2011 à tous les flambeurs.
Un homme de 20 ans a été arrêté à Paris, accusé d'avoir effectué en 18h chrono, un peu moins de 200 appels d'insultes pour encombrer les lignes de plusieurs commissariats de police (5e, 15e et 8e arrondissements, Villepinte, Bagnolet, Pantin, Aubervilliers), ainsi que des casernes de pompiers militaires des 15e et 10e arrondissements. On remarquera que les hôpitaux n'ont pas été visés par cette petite attaque téléphonique, pour preuve que les cibles n'ont pas été choisies par hasard. Il a été interpellé à sa sortie du tribunal de grande instance de Paris où il était convoqué le jour même. Chacun sa façon de saboter le système et ses laquais à sa petite échelle, en voici une autre, félicitation pour la créativité ! (Mais pensez quand même à ne pas le faire de chez vous) Bien sur, ne pas supporter l'oppression est traité comme un symptôme de maladie, c'est pour cela qu'il a été interné de force à l’infirmerie psychiatrique de la préfecture de police. Bon courage l'ami !
L'installation de caméras de vidéosurveillance dans les transports n'est pas que dissuasive. Chaque mois, la police demande environ 500 fois leurs bandes à la SNCF ou à la RATP. Dans 60 % des cas, il s'agit d'affaires qui se sont déroulées sur les réseaux ferrés, ce qui veut dire que dans les autres, ces caméras ont permis de retrouver des gens en lien avec des affaires liées à l'extérieur. N'oublions pas que la bleusaille est toujours aux aguets, même si elle n'est pas systématiquement efficace : des caméras peuvent être hors-service (ou mises hors-service), et un bon nombre d'entre-elles laisse des angles morts. Ne l'oublions pas.
L'arme, celui qui la tient, et ce qu'il sert
Le 29 novembre dernier, un homme mourait entre les mains de la police dans un immeuble à Colombes, dans les Hauts-de-Seine. Le 13 décembre, c’est à Marseille que les flics tuaient un homme à coups de flashball. Le 1er janvier enfin, un homme était abattu de plusieurs coups de feu à Courtry, encore en banlieue parisienne.
Que les flics soient des assassins n’est pas une nouveauté, et nous n’allons pas faire ici la morbide liste de leurs états de service en la matière.
Sans surprise, les médias, toujours là pour lécher le cul du pouvoir, se sont succédés pour poser de fausses questions et relayer la parole des flics. Les policiers, c’est bien connu, ne font que se défendre, et répondre pas des « tirs de riposte » contre des individus « agressifs et particulièrement violents », « hors de tout contrôle », « des forcenés »: entre les assassins et les personnes tuées, on ne sait plus qui est qui.
Les « morts » (on notera au passage comment le mot « mort » évacue toute responsabilité, et insère une part de naturel dans l’assassinat) étaient-elle due au Taser, au flashball? Les types qui se sont faits descendre par les cognes étaient-ils asthmatiques ? Cardiaques, peut-être ?
La polémique enfle. « Ah, le Taser et le flashball, on avait bien dit que c’était dangereux ! », s’empressent de dire quelques démocrates indignés dans les deux premiers cas. « Faux ! », répond la préfecture, « Le premier homme est mort d’une asphyxie. Et rien ne prouve non plus que les gaz lacrymogènes soient responsables du décès. Dans le deuxième cas, la personne a jeté une tasse sur les policiers, c’était de la légitime défense ! ». Pour un peu, on entendrait dire qu’il y avait une peau de banane dans les couloirs, et que le premier malheureux a glissé dessus alors qu’il fuyait.
Alors, le Taser, les lacrymogènes, le flashball, la maladie, la faute à pas de chance, ou la peau de banane ?
Il ne faut pas rire avec ça, trois hommes sont morts, et ce ne sont pas les premiers.
Mais nous sommes très sérieux. Reprenons.
Ce n’est ni le Taser, ni les lacrymogènes, ni le flashball, ni des flingues qui ont tué ces hommes –les objets ne sont responsables de rien- mais les agents qui ont utilisé ces armes.
Seraient-ils encore vivants que ça ne changerait pas grand chose quand au fond de l’histoire. Le terme « bavure » est depuis toujours utilisé par ceux qui, étant du côté des flics, veulent débattre de quelle police, et du comment la rendre acceptable aux yeux de tous et toutes. Ceux qui sont embêtés quand la police assassine, mais qui n’ont pas grand chose à redire sur l’existence des flics en tant que tels, et sur leur rôle de gardiens de l’ordre des choses. Ceux qui utilisent ce terme entendent masquer la normalité qu’est la violence policière, elle-même étant une incarnation de la violence de l’Etat, elle-même simple reflet de la violence inhérente à tout rapport autoritaire. Ils préfèrent militer pour « Désarmer la police » (en clair : leur enlever le Taser et le flashball, en leur laissant les armes plus classiques : menottes, flingues, matraques, gazeuses), et pour une « police de proximité ». Ou comment se focaliser sur des violences particulières, pour masquer le reste de leur sale boulot : contrôles, rafles, tabassages, insultes, coups de pressions, gardes à vue, déportations, etc..
Mais pour nous, la police est toujours trop proche. Et même quand elle assassine, matraque, enferme et livre à la Justice des personnes qui nous sont inconnues, parfois à des milliers de kilomètres de distance, nous ressentons les effets de sa besogne au plus profond de notre cœur. Parce que nous sommes nombreux à en avoir déjà fait l’expérience. Parce que, dans un Etat démocratique comme dans tout type d’Etat, la police est constituée d’individus ayant fait le choix de défendre en armes la légalité, et donc, de faire en sorte que rien ne change. Nous qui étouffons dans la société, nous savons que nous aurons la police en face de nous, et contre nous, un jour ou l’autre. Parce que le pauvre est pour l’Etat une menace qu’il faut surveiller comme le lait sur le feu, un indésirable en soi. Parce que l’Etat sait pertinemment que le capitalisme qu’il protège, gère et accompagne, crée autant de misère que de raisons de se révolter. Parce qu’étant révoltés, et cherchant les moyens (en nous foutant de savoir s’ils sont «légaux » ou non, la loi n’étant pas notre boussole) de nous sortir de cette misère sociale, la Justice trouvera toujours quelque chose pour nous condamner, à l’aide de ces ridicules bouts de papier qu’elle nomme lois, cartes d’identité, code pénal, code civil, et qui n’ont jamais été autre chose que des cautions morales et des outils pratiques pour l’oppression politique, la domination économique, la dépossession et l’exploitation de nos vies.
Alors disons les choses clairement : on s’en fout du Taser et du flashball, de telle ou telle arme. Certes, les armes ne sont pas des instruments anodins. Elles servent toutes à menacer, à blesser physiquement, à torturer ou à tuer. Mais le problème n’est pas tant l’arme que celui qui la tient, et pourquoi il s’en sert. En ce qui concerne la police, le pourquoi est clair depuis la nuit des temps, depuis que l’Etat a été créé pour défendre les riches et les puissants. La police sera là tant que l’Etat sera là. Et tant que l’Etat sera là, les « alternatives » que la société nous laissera seront les mêmes : travaille et tiens-toi tranquille, ou alors va croupir en prison, ou alors va crever. Dans tous les cas, la misère, la servitude et la mort sont les dernières promesses crédibles que peut nous faire le capitalisme.
Il n’y a pas trente-six solutions possibles pour ceux qui désirent encore vivre librement : la révolte ou l’esclavage.
Quand les flics se roulent dessus
Sept policiers jugés à Bobigny pour avoir accusé à tort un homme, ont été condamnés à des peines comprises entre six mois et un an de prison ferme. Cette peine sera «inscrite au casier judiciaire pour cinq d'entre eux, ce qui entraîne une radiation de la police» (AFP).
Le 9 septembre, à Aulnay-sous-Bois, un keuf avait été blessé à la jambe après avoir été percuté par une voiture lors d’une course-poursuite. Dans un procès-verbal, ses collègues et lui chargeaient le conducteur de la voiture qu'ils poursuivaient. Toutefois, ce dernier, lors de sa garde à vue pour «tentative d'homicide sur un fonctionnaire de police dans l’exercice de ses fonctions », niait catégoriquement les faits que ces derniers essayaient de lui mettre sur le dos pour blanchir des collègues. En effet, il apparaissait peu à peu qu’un autre véhicule était en cause, en fait une bagnole de flic conduite par des collègues du policier blessé. Le gardé à vue, lui, sortait de garde-à-vue avec une incapacité totale de travail (ITT) de cinq jours: en des termes moins juridiques, il s'est fait tabassé par les condés.
Rien de neuf sous le soleil! Quoi d'étonnant au fond à ce qu'un « dépositaires de la loi » soit le premier à la contourner à son avantage? D'abord cela nous montre bien à quel point la Loi est une farce, cela nous montre aussi à quel point il est absurde de penser qu'en créant un corps de métier spécialisé dans la violence armée, l'enfermement et la torture, cela attirerait de gentil humanistes prêts à payer de leur personne pour sauver la veuve et l'orphelin!
Non, lorsque la société programme un individu à tuer et à enfermer, il ne faut pas s'étonner lorsque cette violence se retourne contre tout ce qui peut gêner cet individu, à la maison (sur ses enfants et conjoints), dans la rue (sur tout ce qui est indésirable pour le pouvoir qu'ils représentent) ou dans des procès-verbaux ou la Loi est toujours manipulée dans leur sens. Il en va de leur survie.
Nous détestons la police, et pourtant cette nouvelle n'est pas une réjouissance, parce que rien dans la prison n'est réjouissant. A tel point que nous ne la souhaitons pas même à nos pires ennemis. Cependant, voici une raison de plus de ravager ce monde qui a besoin de la police et de la prison.
Postscriptum du 10 décembre: Comme prévu, le parquet, censé suivre les recommandations du ministère de la justice et pérenniser les versions des flics, a fait appel. Hortefeux estime «disproportionnée» la peine infligée aux policiers tout en soulignant avoir «pris acte» de la décision du parquet de faire appel. Peu avant, le préfet de la Seine-Saint-Denis, Christian Lambert, s’est déclaré «très étonné» par cette condamnation. Aujourd'hui, environ 200 policiers se sont rassemblés devant le tribunal de Bobigny pour protester, sirènes hurlantes, contre la décision du tribunal.
Qu'ils se « mort suspecte » les uns les autres !
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