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Belleville sous occupation policière

Le 19 décembre dernier à Belleville, un dispositif spectaculaire quadrillait le quartier. Un dispositif qui passerait quasiment inaperçu aux yeux de ceux qui ne savent pas lever les yeux : des flics en civil postés un peu partout, à l’entrée des métros Belleville et Couronnes, à l’entrée des cités et un peu partout sur la rue de Belleville, contrôlant les papiers de tout ce qui de près où de loin ressemble à un/e asiatique. Ainsi, pendant que l’assemblée nationale votait la nouvelle loi pénalisant les clients des prostituées, une rafle dans la rafle visait particulièrement les femmes asiatiques identifiées comme putes par la flicaille. On entendra parler, ici ou là, de dizaines et de dizaines de marcheuses chinoises arrêtées en une semaine à Belleville, dont une trentaine cette fois-ci, probablement pour les expulser.
Les rafles au faciès de ce genre, si elles ont encore de quoi indigner les plus naïfs, n’ont en fait absolument rien de nouveau. En effet, en fin d’année, l’Etat doit remplir ses quotas d’expulsions de sans-papiers, se concentrant un jour sur les faciès maghrébins (comme régulièrement à Barbès), un autre sur les sri lankais (surtout à La Chapelle), profitant aussi de l’augmentation en 2013 des places en centre de rétention. Mais ces dispositifs de rafles ne concernent pas uniquement les sans-papiers, car lorsque l’Etat met en place ce type de dispositif dans les quartiers où nous vivons, l’occupation policière, telle que nous la connaissons déjà si bien dans le Nord-Est parisien, concerne tout le monde, car bien sûr cette militarisation du quotidien sert à réprimer tous les pauvres. Mais pour comprendre l’histoire de cette militarisation de Belleville, il nous faut revenir un peu en arrière.

Beaucoup s’en souviennent tant cette journée marqua un quotidien déjà semé des petites misères habituelles, et nos lecteurs aussi puisque ce journal est aussi né à ce moment-là, pour ne pas dire de ce moment-là. Le 20 juin 2010, avait lieu dans le quartier une manifestation pour la « sécurité », organisée par diverses associations censées représenter la dite « communauté asiatique » pour demander aux autorités le renforcement d’un arsenal répressif pourtant déjà bien présent (plus de flics, de caméras, de sanctions, facilitation des plaintes, prévention, etc.). Durant cette manifestation, de violentes échauffourées ont éclaté entre des centaines de manifestants et la police, harcelée physiquement pendant quelques heures car accusée de mal faire son travail, de ne pas protéger la communauté asiatique de Paris contre les agressions et la délinquance de misère (vols, braquage de recettes de restaurants, etc.) mais aussi des agressions racistes indéniables qui frappent malheureusement les personnes désignées comme asiatiques à Paris.

Face à la détermination des émeutiers, la police (qui commençait à essuyer de nombreux dégats sur ses véhicules et des blessés plus ou moins touchés), par un tour de magie téléguidé par la préfecture, s’engagea dans une stratégie de repli programmé, lâchant un impressionnant nuage de gaz lacrymogènes qui lorsqu’il se dissipera laissera entrevoir le spectacle de sa disparition. La colère des émeutiers se redirigera donc, au bénéfice du pouvoir, contre d’autres pauvres, contre quelques gamins isolés et identifiés par la vindicte populaire comme des « voleurs » à punir, par des critères tels que la tenue vestimentaire et la couleur de peau. Comme si le problème c’était le vol, et pas les flics… Ces quelques gamins, qui étaient là au mauvais moment au mauvais endroit, et qui étaient venus eux aussi saisir l’occasion pour en découdre avec la police, seront lynchés par des meutes de racistes en transe, parce que noirs, parce qu’habillés en survêtement à capuche, sous les yeux médusés des quelques bobos qui n’avaient pas encore fui la zone de guerre (on vient à Belleville comme on va au zoo ou pour aller aux Follies, pas pour se faire gazer, dussent-ils se dire). Où quand une manifestation soi-disant opposée à un racisme spécifique, devient raciste tout court…

Mais pourquoi reparlons-nous de cet épisode inquiétant ? Parce que c’est suite à ce conflit de rue que des politiciens autoproclamés « représentants des asiatiques de Paris » ont obtenu, suite à de nombreuses négociations, le renforcement des dispositifs de flicage de Belleville (création de la BST, arrivée des Correspondants de Nuit, de nouvelles caméras, de nouvelles patrouilles offertes par Guéant « pour répondre au malaise de la communauté chinoise de Belleville », etc). Ce même flicage qui, pour en revenir au 19 décembre dernier, raflait au faciès tout ce qui ressemblait de loin à un/e asiatique pour l’expulser hors de France, hors de là où il vit son quotidien. Chacun peut donc se faire son idée sur ces pseudo-représentants de la dite « communauté asiatique », et sur les intérêts qu’ils servent réellement. Pour être encore plus clairs : en prétendant protéger la dite « communauté asiatique » : avec plus de flics, voici que le retour de bâton se présente violemment, au son des pleurs de celles et ceux qu’ils prétendaient protéger. Car ce sont les mêmes flics que l’on appelle pour régler ses conflits un jour, et qui demain nous raflent, nous enferment et nous tuent. Encore une bonne raison de prendre conscience du fait que les flics ne seront JAMAIS nos amis, mais toujours les bulldogs de la guerre aux pauvres.

Les dits représentants de la « communauté asiatique » se nomment par exemple « association des commerçants de Belleville » (créée suite à la manif) et chacun peut aller leur dire un mot (ou autre). Leur président, la balance Patrick Huang, dont nous vous avions déjà parlé dans notre n°6, est lui le patron du bar-tabac Le Celtic, vous pouvez prendre contact avec lui de la manière qui vous sied, car il vous accueillera avec plaisir au 20, Rue de Belleville. Mais n’oubliez pas que ce chevalier du bien a la plainte facile, probablement même avec ses amis.

La police, elle, compte environ une quarantaine de suicides par an, pas étonnant avec un boulot dégueulasse comme le leur, voila donc une bonne résolution pour une nouvelle année belle et rebelle.

Et sabotons la machine à expulser, encore et toujours.

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Pour plus d’informations sur les émeutes sécuritaires et réactionnaires de 2010 à Belleville, voir le recueil de textes : « Retour sur la récente flambée sécuritaire, réactionnaire et raciste à Belleville - Témoignages, textes et analyses collectés, recueillis et diffusés par des anarchistes du quartier pour que ce genre de choses n’arrivent plus et pour que d’autres émergent », disponible sur le site du bulletin, rubrique « Retour à Belleville ».Retour ligne automatique
Pour approfondir la question de l’occupation policière du quartier, nous vous conseillons la lecture de Lucioles n°4, un numéro spécial avec une « Contre-enquête sur les dessous de la militarisation de Belleville », mais aussi l’article « Belleville militarisé » dans le n°3. Tous les numéros du bulletin sont consultables sur le site luciolesdanslanuit.blogspot.fr.