Mais les gestionnaires du monde
carcéral comptent remplir de nouveau cette dernière taule
parisienne après une réhabilitation de ses bâtiments : les
architectes parlent de « rupture avec l'aspect actuel très
oppressant »... comme si des murs plus nets et moins humides
pourraient faire que les prisonniers se sentent « moins
enfermés » ?! Il est sûr que des murs plus que pourris,
des douches cassées, le froid et autres joyeusetés des vieilles
prisons ne font que rajouter à l'humiliation mise en place pour
mater les personnes enfermées et les faire revenir plus docilement
dans ce qu'ils définissent comme le droit chemin. Mais n'allez pas
croire que les constructeurs et rénovateurs de prisons ont pour but
le confort des prisonniers... sinon pourquoi enfermer ainsi des
individus comme on enferme tout aussi sournoisement les animaux
d’élevage ? Il est clair que le but du système carcéral
n'est pas d'enfermer pour enfermer, pour éloigner plus ou moins
momentanément certaines personnes du reste de la société :
cet enfermement a pour but de remodeler (ou juste venir à bout de)
la personnalité des détenus, de les dompter, les « convaincre »
par l'humiliation et la peur de se soumettre aux règles de l'ordre
social, comme le montre bien l'attention toujours croissante à la
« réinsertion » : car évidemment, ce que veulent
juges et politiciens, ce n'est pas libérer des « fauves »
aigris et hargneux décidés à venger leur souffrance, mais des
moutons résignés et obéissants, à qui on a appris que la vie
c'était celle qu'on « gagne » au turbin,
métro-boulot-dodo.
C'est donc pour rendre les
prisons à la fois plus acceptables aux yeux de tous, principalement
des défenseurs des « droits de l'homme » (comme si
l'enfermement dans une cage dorée permettait de conserver toute sa
dignité !), mais aussi plus efficaces pour façonner des
moutons et non des fauves, que l'on rénove les prisons, certainement
pas pour le bien des prisonniers.
Le projet
de réhabilitation de la Santé compte parmi ses maîtres-mots
l'« amélioration des conditions de travail pour le personnel
pénitentiaire » : sachant que plus de sécurité pour
les matons, ça veut dire, pour eux, plus de tours de clé, plus de
surveillance, donc encore plus de restrictions pour les encagés. Car
comme pour tous les défenseurs de ce monde de merde, leur sécurité,
c'est notre plaie.
En bref,
les travaux dureront normalement jusqu'en 2018. D'ici-là, seul le
centre de semi-liberté (entre taf et taule, toujours enfermés)
comprenant une centaine de places et déjà récemment rénové
restera « ouvert ». La gestion du projet en Partenariat
Public-Privé et la recherche d'entreprises prêtes à mener les
travaux a été à la charge de l'APIJ (Agence Publique pour
l'Immobilier de la Justice). Et les détails des travaux n'ont pas
encore été dévoilés, on a seulement pu entendre parler d'une
capacité finale de 800 places (dont 100 en semi-liberté) avec
davantage de cellules individuelles, et plus globalement d'une
« modernisation des conditions de détention » et du
« développement de dispositifs de réinsertion active des
détenus ». Quant aux entreprises du bâtiment, architectes et
banques collabos de ce projet, leurs noms ont été rendus publics
par l'APIJ [voir encadré].
Et pour
couronner le tout, les rénovateurs devront veiller à préserver
« la symbolique particulière et la valeur patrimoniale de cet
établissement »... la symbolique d'une prison... d'autant plus
d'une vieille prison, que l'on se souvienne à quel point est tenace
cette obsession d'enfermer les récalcitrants... pour nous rappeler
qu'il est toujours plus que temps d'en finir avec cette torture ?
Entreprises
de construction ou de rénovation, tous ceux qui travaillent à la
machine à enfermer sont complices du système carcéral, ne les
laissons pas en paix !
Tout
le monde dehors !
PS : Et pour
bien se foutre de la gueule du monde et montrer une façade de
transparence aux curieux qui oseront s'y aventurer de leur plein gré,
le personnel pénitentiaire fera visiter la prison de la Santé au
public pendant les travaux lors des journées du patrimoine, en
septembre prochain !
Constructeurs (et mandataires) :GTM Bâtiment, du groupe Vinci, des constructeurs de taules chevronnés (CP de Draguignan, rénovation des Baumettes à Marseille, CP de la Polynésie, à Tahiti, CRA du Mesnil-Amelot)
(Futurs) gérants :Gepsa (du groupe GdF-Suez ; cf. Lucioles n° 9)
Architectes :
PIERRE VURPAS & ASSOCIÉS ARCHITECTES29-31 rue Saint Georges 69005 Lyon
Tél. 04 72 40 95 55
Ils ont aussi dessiné le Palais de Justice de Lons-les-Saunier, les EPM (prisons pour mineurs) de Quiévrechain, Meyzieu et Chauconin.
A.I.A. Architectes23, Rue de Cronstadt, 75015 ParisTél : 01 53 68 93 00(et autres adresses un peu partout en France)
Banque de financement :
Barclays Bank, qui finance aussi la construction (toujours en PPP) des prison de Beauvais, Valence (Drôme), Lutterbach (Haut-Rhin) et Riom (Puy-de-Dôme) [cf. Lucioles n° 9]